La sinisation, un passage obligé pour les VCs étrangers

septembre 25, 2017

La sinisation, un passage obligé pour les VCs étrangers

Par Thomas Loeillet | 25/09/2017 | 00:00

 

Vue de l’Occident, la « Chine du venture » est une vallée verdoyante sillonnée par d’innombrables licornes. De Didi à Xiaomi, en passant par Meituan-Dianping et Ele.me, elles seraient plus d’une vingtaine à être valorisées plus de 1 Md$, contre 15 en Europe, selon le dernier décompte de septembre 2017 réalisé par The Wall Street Journal en association avec Dow Jones VentureSource. Plusieurs VCs tricolores se sont donc lancés à l’assaut des « étoiles montantes » chinoises, à l’instar de Ventech Capital, d’Iris Capital, et bien sûr, de Cathay Innovation. Mais ce terrain de jeu n’est pas facile d’accès. S’installer sur place, séduire les LPs locaux et prendre part aux tours de table des jeunes pousses chinoises, autant de défis qui nécessitent des connaissances dignes de Sun Tzu, le célèbre auteur du manuel de stratégie militaire l’Art de la guerre.

Lever des fonds…

L’une des premières réflexions à mener doit être le choix du point de chute. Car s’il est possible d’investir dans une start-up allemande ou italienne depuis Paris, effacer les près de 10 000 kilomètres séparant la France de la Chine n’est pas concevable. De prime abord, Pékin ou Shanghai semblent être des destinations idoines, mais les régions locales ont toutes leurs particularités avec autant de Silicon Valley sectorielles associées. Guangdong, dans le Sud-Est, se trouve être la province la plus riche et la plus peuplée du pays avec le dense patrimoine industriel réuni autour de Shenzhen. « Les régions chinoises mettent d’importants moyens pour attirer dans leurs secteurs de spécialité, jouant des rôles de LPs comparables à ceux de Bpifrance, explique Denis Barrier, co-fondateur et CEO de Cathay Innovation. Il est important de pouvoir compter sur une grande institution chinoise comme sponsor afin d’être crédible auprès des investisseurs locaux. » Cathay Innovation a pu compter sur 50 M euros apportés par la China Development Bank pour boucler son fonds à 287 M euros, en juin. Une souscription qui lui a permis de séduire d’autres souscripteurs, tels que l’industriel Joyoung ou des grands entrepreneurs. En contrepartie de leurs engagements, ces derniers affichent cependant des exigences différentes de celles des investisseurs institutionnels européens ou américains. « Les LPs chinois attendent que les capitaux soient plus vite déployés, constate le co-fondateur et managing partner de Cathay Innovation. L’écosystème est extrêmement dynamique. Après moins de deux ans de déploiement, nous avons déjà enregistré une sortie, Meiyou, et plusieurs de nos participations sont déjà rentables malgré leur forte croissance, comme Shopal. »

… et les investir

Entre les premiers tours de table, généralement comparables en montant à ceux enregistrés en Europe, et les levées late stage supérieures à 100 M$, il peut ne s’écouler que quelques mois. Le « Uber chinois », Didi, a par exemple réalisé quatre tours de table de 15 M$, 100 M$, 700 M$ puis 2 Md$ entre juillet 2013 et 2015. Cet univers particulier peut donc avoir des conséquences néfastes sur les VCs qui suivent parfois une logique de parieurs plus que d’investisseurs. Une approche qui peut être entretenue par la caractéristique même du marché. « Les start-up chinoises ont un meilleur business model que leurs consoeurs américaines, car leur marché est aussi gros mais avec de plus faibles coûts de structure pour innover et se développer. Dans le même temps, elles ont la possibilité d’atteindre une taille potentiellement beaucoup plus grosse que celle des jeunes pousses européennes. En somme, c’est le meilleur écosystème au monde pour investir dans la technologie, à condition d’être vraiment un insider, poursuit Denis Barrier. La preuve ? Un an et demi après notre investissement dans l’application de e-commerce PinDuoDuo, celle-ci a déjà atteint le seuil de 15 Md$ de volume de ventes annuelles sur sa plateforme. » Des chiffres qui feraient rêver n’importe quel investisseur. Mais en tant qu’étranger, il faut pouvoir apporter plus que des fonds pour prendre part aux levées de ces « rising-stars » qui attisent la concurrence locale. Les financements affluent d’autant plus mas-sivement que les sorties en Bourse sont légion. Selon EY, la Chine a compté pour plus de 40 % des IPO recensées dans le monde au premier semestre 2017. Les Bourses locales (on-shore) offrent, de plus, des niveaux de valorisation deux à trois fois supérieurs à ceux des Bourses internationales (off-shore). Mais gare aux vents contraires… En Chine, si les choses se font vite, elles se défont tout aussi vite.