Le Chinois qui aime la France

avril 13, 2017

Son savoir-faire, c’est de se jouer des frontières. Mingpo Cai a cofondé Cathay Capital, le fonds d’investissement franco-chinois pour amener la Chine en France. Et vice-versa.

Son quotidien, c’est un peu de finance, bien sûr, mais surtout, du business et des relations. Mingpo Cai, le cofondateur avec Édouard Moinet du fonds d’investissement franco-chinois Cathay Capital, se considère avant tout comme un entrepreneur. « Le capital investissement est l’outil le plus efficace pour développer une entreprise quand on est un actionnaire actif », résume-t-il dans un français impeccable teinté d’accent chinois. Actif, il l’est. L’homme bouillonne, ne tient pas en place. « C’est une force, assure Édouard Moinet, son associé et ami. Sa capacité de travail et son énergie se traduisent par une force de conviction hors norme. »

Passionné de relations internationales

Il rencontre tous les entrepreneurs en passe de faire affaire avec Cathay, les accompagne dans leurs voyages d’exploration des marchés chinois, européen et américain, entretient les relations avec ses investisseurs, dont la plupart lui font confiance depuis le début, participe à plusieurs conseils d’administration, s’occupe de sa fondation d’entreprise Cathay Capital Private Equity « France-Chine Entreprendre »… « Je reste concentré sur Cathay, se défend-il. Mais je suis obligé de travailler beaucoup. » Et de voyager. De Paris, il a déménagé à New York il y a quelques années pour monter un fonds d’investissement aux États-Unis, puis il s’est installé à Shanghai à l’été 2016 avec sa femme et leurs trois enfants. Pour lui, le lieu importe peu. « Mes enfants parlent le français, le chinois, l’anglais, explique-t-il. Ils vivent bien partout ! »

Cathay Capital a bien grandi depuis le bouclage de son premier fonds de 67 millions d’euros fin 2007. La société gère quatre véhicules d’investissement, deux sino-européens pour les PME, un sino-américain lancé en 2015 et un dédié à l’innovation implanté à San Francisco. Cathay dispose de 1,4 milliard d’euros sous gestion, d’une soixantaine de PME en portefeuille et compte 60 personnes dans six bureaux en Europe, en Chine et aux États-Unis. Le fonds s’est même payé le luxe de recruter l’ancien directeur général du ­Trésor, Bruno Bézard. « ­Mingpo était précurseur quand il a démarré le fonds ­franco-chinois, confie Sybille Dubois-­Fontaine ­Turner, la directrice générale du Comité France Chine. C’est quelqu’un de très engagé dans la relation franco-chinoise. Nous avons besoin de personnes comme lui, avec la double culture. »

Mingpo Cai, 48 ans aujourd’hui, entretient une passion pour les relations internationales depuis tout petit. Sa province natale du Fujian est trop pauvre pour lui offrir des perspectives. Il décide de s’expatrier en France à l’âge de 20 ans. Il débarque en 1989 à Orléans (Loiret) pour étudier les sciences économiques, sans parler un mot de français. Il apprendra sur le tas. Notamment en se faisant inviter le dimanche midi par les familles qu’il rencontre dans le restaurant asiatique où il travaille. « Les Français sont très accueillants », assure-t-il. Et lui, très fidèle. Il quitte Orléans, mais y reviendra.

Entrepreneur convaincu

Il part faire ses études à l’EM Lyon Business School, se fait recruter pendant son cursus par SEB pour ouvrir la filiale chinoise de l’industriel. Il y reste trois ans. « Mais je voulais être entrepreneur, dit-il. J’ai convaincu SEB de me laisser poursuivre mes études à Lyon. » ­Diplôme en poche, il retourne à Orléans monter sa première société, Stonest, qui importe du granit de Fujian pour le vendre aux entreprises funéraires. L’horizon de la PME devient vite trop étriqué. Difficile d’agrandir indéfiniment le marché de la pierre tombale. En 2005, son coup de foudre professionnel avec Édouard Moinet, alors investisseur chez Siparex, le pousse à changer de métier. « Nos parcours sont complémentaires, explique Édouard Moinet. Son coup d’œil d’entrepreneur lui permet de voir des choses qu’un investisseur ne voit pas. Il amène un souffle industriel dans le métier ! »

Ensemble, ils développent la thèse d’investissement de Cathay. Réduire le risque d’investissement dans les PME chinoises en les accompagnant en France et faire grandir des PME françaises en Chine. Comme Ginger CEBTP, où Cathay a investi avec les managers en 2013. L’entreprise d’ingénierie a mené trois acquisitions, dont la dernière lui a assuré un chiffre d’affaires en Chine. Avec Cathay, elle mène des discussions avec des partenaires chinois pour continuer à s’y ­développer. Le secret du fonds d’investissement consiste à « décomplexer les entrepreneurs » quand il leur fait découvrir la Chine (ou la France pour les Chinois). Et à leur donner le coup de pouce nécessaire pour passer à l’exécution. « Le savoir-faire de Cathay, c’est de réinventer les frontières, confie Mingpo Cai. Il faut que la France soit le pays des Chinois, la Chine le pays des Français, et que chacun vienne contribuer à l’écosystème local. »

« Son coup d’œil d’entrepreneur lui permet de voir des choses qu’un investisseur ne voit pas. Il amène un souffle industriel dans le métier ! »

Édouard Moinet, cofondateur de Cathay Capital

Double culture Si la France est sa « deuxième patrie », Mingpo Cai reste fidèle à sa province natale du Fujian. Sa carte d’identité porte l’adresse de son village d’enfance.

Maximes Il distribue à ses collaborateurs un recueil de maximes. Sa préférée : « Si tu ne travailles pas aujourd’hui, tu n’auras pas de bol de riz demain ! »

Anglais Avant de s’installer à New York, il ne parlait pas l’anglais. « J’ai écouté en continu la radio WNYC et appris le discours d’Obama par cœur. »

Dumas Arnaud

Pour en savoir plus:

http://www.usinenouvelle.com/editorial/le-chinois-qui-aime-la-france.N525469